• Clichés marseillais #59

    Clichés marseillais #59

    Replay

    Clichés marseillais #59Son procès était pour la mi-février et bien qu’il n’en préoccupât guère, Gigi alla voir l’avocat avec son père et Roger. Après tout, il était encore mineur, on aurait un peu tendance à l’oublier ! Les choses ne se présentent pas trop mal : les témoins de moralité sont prêts, l’avocat aussi. La pression d’une série de structures syndicales, orchestrée par l’organisation, a été payante : plus personne ne peut se permettre de critiquer la manifestation du 5 novembre ni l’attitude Gigi. La violence de la police, confirmée lors des manifestations des semaines suivantes contre le procès de Burgos est unanimement condamnée par les syndicats, les partis de gauche et des personnalités faisant partie de ce que l’on appelle les « démocrates sincères ».
    L’avocat a d’ailleurs organisé un rendez-vous entre Gigi, son père et l’une de ces personnalités. C’est le directeur d’un théâtre marseillais qui il a assisté à l’arrestation et souhaite produire un témoignage écrit car il ne sera pas à Marseille à la date du procès. Il raconte en détail  à Léo, le père de Gigi, la scène à laquelle il a assisté. Au fil du récit, Gigi a l’impression d’assister à un film dont il serait l’un des acteurs. Il se voit arriver en courant dans la rue Papère pour échapper aux flics, s’embroncher dans le cyclo tombé devant lui, les policiers le matraquer. Il se voit lever le bras tenant le court manche du drapeau qu’il tient à la main, pour se protéger, explique la voix off du témoin, on ne voit pas distinctement le manche en bois heurter le visage du policier dont la visière est relevée mais tout de suite après les coups redoublent sur Gigi qui retombe sur le cyclomoteur. C’est alors que deux ou trois hommes en civil arrivent de la Canebière. Deux d’entre eux saisissent Gigi par les bras, le soulèvent sans ménagement, ce sont les mots de la voix off, l’entraînent vers l’avenue tandis que le troisième cingle le dos de Gigi de coups de ce qui s’avère être, quand le groupe passe devant le témoin, un nerf de boeuf. Le témoin est choqué par la violence des coups, par l’arme utilisée, je n’imagine pas, dit-il, que le nerf de boeuf leur est autorisé, il est impressionné par le jeune âge de Gigi, mais c’est vrai qu’aujourd’hui tu me parais moins jeune. Il suit la scène des yeux jusqu’au panier à salade lorsqu’il voit surgir une jeune fille qui tente d’arracher Gigi aux mains des policiers en criant, mais il ne comprend pas ce qu’elle dit, il la voit taper de ses poings contre les portes du fourgon qui viennent de se refermer sur les manifestants arrêtés, jusqu’à ce qu’on l’écarte et que le véhicule démarre.
    – Tu étais complètement sonné ! dit-il à Gigi.
    Léo pensera longtemps que le témoin avait voulu dire que son fils était fou d’avoir fait ça, alors que l’autre disait que Gigi paraissait à moitié inconscient.

    Passons sur le procès au scénario connu d’avance, chacun a joué son rôle, la condamnation est tombée : 800 francs d’amende. Un mois et demi de SMIC net. L’organisation veut payer, Léo remercie mais non, c’est moi qui paye !

    (à suivre)

    À suivre chaque jour sur https://www.facebook.com/jeanpaul.garagnon

    L'intégrale est à retrouver sur ce blog http://brigou.eklablog.com/cliches-marseillais-c31530712

    « Clichés marseillais #58Clichés marseillais #60 »

  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :