Rentrée littéraire 2023 #15

Eric Reinhardt, Sarah, Susanne et l'écrivain

Eric Reinhardt nous livre un roman dans lequel un écrivain écrit un roman dont le personnage principal, Suzanne, est largement inspiré de Sarah, auprès de laquelle l’écrivain puise son inspiration. Vous avez peut-être l’impression que tout cela est un peu tordu, mais ce n’est qu’une impression. Car en fait, tout est clair. Ce qui est original, c’est que nous accompagnons Sarah et l’écrivain dans leur dialogue autour de l’écriture du roman. Pas de celui qu’on lit, mais de celui qui est en train d’être écrit. Mais qu’on lit aussi, forcément… Et c’est bien cette imbrication, ce passage continu entre la fiction et la réalité – qui n’est en fait qu’une autre fiction – qui nous attrape ! On se réjouit des écarts dans la transposition de l’une à l’autre, dans les ajouts que l’écrivain apporte depuis sa propre vie, sans savoir ce que l’auteur – Eric Reinhardt cette fois – est allé puiser dans la sienne, qui ajoute bien sûr une autre couche de récit, sans que cette dernière nous soit donnée.

On l’a compris, c’est un texte qui joue avec le lecteur, qui joue en permanence du côté de la métallise, cette manière de rompre le pacte narratif en introduisant dans la fiction des éléments qui auraient dû rester dans la tête de l’auteur écrivant.

Au-delà de ce jeu narratif, il y a une vraie histoire, celle d’un couple amoureux qui va plonger dans la tempête quand l’épouse réalise un jour la duplicité de son mari. Pendant que celle-là pourvoit aux dépenses du ménage et des deux enfants, celui-ci finance les acquisitions immobilières du couple, dont il possède au final 75 %. Sarah – ou bien Susanne ? – décide de créer un électrochoc en allant s’installer ailleurs pendant trois mois. Mais les choses ne vont pas se passer comme elle le pensait.

Pour le prix d’un seul roman, on en a deux, sans compter la leçon d’écriture quant à la création d’un personnage et au développement d’une intrigue. Bonne affaire !

Eric Reinhardt, Sarah, Susanne et l'écrivain, Gallimard, 432 pages