-
Gaspard Koenig, Humus
Rentrée littéraire 2023 #11
Gaspard Koenig, Humus
Au fil de cette lecture, un malaise me gagnait. Le sujet apparaissait comme plaisant au départ : la terre (notre Terre) allait vers la stérilité (l’Effondrement) et les vers de terre (les militants radicaux pro-environnement) étaient seuls capables de la sauver en la régénérant (en déclenchant une révolution mettant à bas non seulement le système, mais toute forme de société). On suit la métaphore un moment, mais des signes arrivent qui soulèvent un doute. Le narrateur omniscient a visiblement mal assimilé ses lectures, sans doute du genre « Le marxisme pour les nuls » ou « Mai 68 raconté à ma fille ». Les solutions avancées par les protagonistes sont tellement simplistes et caricaturales qu’on devine l’intention malveillante de l’auteur. Alors je me renseigne sur ce Koenig dont je n’avais jamais entendu parler.Gaspard Koenig adhère brièvement au Parti communiste alors qu’il est lycéen, ce qui montre déjà son haut niveau de clairvoyance… Il se reprend rapidement, entre au cabinet de Christine Lagarde et entame une carrière politique sous les auspices du libéralisme le plus radical. Il va prôner entre autres la réduction de la fiscalité des entreprises, il encense la libre concurrence, l’auto-entrepreneuriat, la mise à bas du statut des fonctionnaires. Cela le conduit en bonne logique à soutenir le candidat Macron en 2017, tout en poussant sa propre boutique politique.
Pourquoi raconter ça en parlant d’un roman ? Ne faut-il pas distinguer l’oeuvre de l’auteur ? Pourquoi pas, quand l’oeuvre relève de la création et pas de la propagande, comme c’est le cas ici. N’est pas Céline qui veut, ni même Houellebecq… Car ici, rien dans la forme ne vient sauver une pauvre narration. Les militants environnementalistes ne sont pas les seules victimes de la caricature, les femmes prennent leur part, personnages de troisième plan, manoeuvrières, arrivistes et castratrices.
Le texte s’achève dans une apothéose de violence, encore très caricaturale. On me dira qu’il s’agit d’une fiction et que l’auteur est libre. Certes, mais lorsqu’il emploie le nom d’une organisation existante, Extinction Rebellion, pour lui prêter des propos et des intentions qui lui sont totalement étrangères, expliquant qu’il ne s’agit que d’une façade masquant une organisation clandestine, ultra-radicale et violente, préparant une insurrection armée et visant au plus grand nombre de morts possible, il y a quand même un hic ! Une action en justice de la part de ce mouvement serait sans doute plaidable, mais ce serait peut-être faire trop d’honneur à ce pamphlet.
Gaspard Koenig, Humus, L’Observatoire, 384 pages
-
Commentaires