Rentrée littéraire 2023 #09

Paolo Giordano, Tasmania

Au cœur des catastrophes ! Changement climatique, montée des eaux, pandémie, attentats, ça charcle un maximum ! Jusqu’au couple du narrateur en lente explosion, genre ces films où l’on regarde une explosion nucléaire au ralenti. Extrait : Quand il recommença à regarder à travers le verre obscurci, l’explosion nucléaire était déjà au stade qui nous est familier : un nuage gris qui s’élevait très rapidement vers le ciel en s’élargissant, suivi d’une colonne ascensionnelle de sable et de poussière. Dans le désert de Jornada del Muerto, la tête et le pied du champignon atomique formaient le clou du spectacle, car les rayons gamma faisaient jaillir le sable du sol, augmentant la poussière. C’est ce que les scientifiques qualifient d’« effet pop-corn ». C’est l’impression que l’on éprouve tout au long du roman : ça pète, ça va encore péter, l’eau va monter et le narrateur assiste en pleurant à la déroute. Extrait : On peut pleurer, à travers l’histoire d’un seul enfant, la destinée de toute l’humanité, et cela m’est arrivé avec lui.

L’enfant, ce pourrait être Terumi Tanaka, treize ans le 9 août 1945 à Nagasaki. Un survivant que le narrateur rencontre près de quatre-vingts ans après cet été-là, quand il l’a interviewé. Y a-t-il un espoir ? Faut-il mettre des enfants au monde ? Et si tout – ou presque – venait vraiment à péter, que faire, où aller ? Réponse de l’un des personnages, physicien : Novelli a réfléchi quelques secondes, puis il a dit : En Tasmanie. Elle est située assez au sud pour échapper aux températures excessives. Elle a de bonnes réserves d’eau douce, elle se trouve dans un État démocratique et n’héberge pas de prédateurs pour l’homme. Elle n’est pas trop petite, mais elle demeure une île, donc plus facile à défendre. Parce qu’il faudra se défendre, croyez-moi.

Oui, a-t-il ajouté d’un ton plus convaincu, si j’étais obligé de sauver ma peau, je choisirais la Tasmanie.

Et nous ? Choisissons-nous un exil supportable, ou agissons-nous pour un autre avenir ?

Paolo Giordano, Tasmania, Le bruit du monde, 320 pages