• Clichés marseillais #26

    Clichés marseillais #26

    Menpenti, Antoine Maille

    Clichés marseillais #26Laissons à Gigi le temps de se remettre de ses émotions. Il est rentré chez sa soeur où il s’est installé depuis quelques mois. Question d’indépendance vis-à-vis des parents avec lesquels, par ailleurs, il ne s’entend pas mal. Mais il sent qu’il va étouffer en travaillant à Coder, à deux pas de la maison familiale. Et la ville l’attire. Il se rend régulièrement au local de la CNT pour rencontrer Ber ou bien ils vont faire des photos et traîner dans leurs coins favoris, la Brasserie de Lyon rue Rouget de Lisle, la Taverne boulevard Garribaldi ou O’Stop, face à l’Opéra, et encore d’autres où nous le retrouverons plus tard. Tout se situe dans un rayon de cinq cents mètres autour de la Bourse.
    Et puis Gigi aime bien les copines de sa soeur qui a deux ans de plus que lui. Claudine est Chef de rang à L’Entrecôte, sur le Vieux-Port, elle gagne bien sa vie et peut se permettre de payer le loyer d’un T3 dans un trois-fenêtres marseillais rue Antoine Maille, à Menpenti. Le T3 est trop grand, elle l’avait loué en pensant que son copain viendrait vivre avec elle, mais l’histoire a tourné court et Gigi s’est installé. Ah, les copines de Claudine ! Il y a Suzie par exemple, une serveuse de L’Entrecôte et surtout Stella, qui tient avec sa mère un salon de coiffure dans le quartier. Une belle Corse, rousse à confirmer le passage des Vikings dans l’île au IXe siècle !
    Quand Gigi a dit à Ber où il habitait, ce dernier lui a demandé s’il savait qui était cet Antoine Maille dont sa rue portait le nom. Ben non, Gigi ne connaît pas ! Il ne connaît pas grand-chose, en fait. C’est pour ça qu’il aime bien écouter Ber, parce que lui il sait plein de trucs. Donc, Ber raconte.
    Antoine Maille était fabricant de vinaigre au début du XVIIIe siècle. Quand la peste a touché Marseille, en 1720, l’Antoine aurait élaboré, produit et vendu ce qu’il a appelé « le vinaigre des quatre voleurs ». C’était soi-disant un antiseptique dont on imprégnait les masques portés pour approcher les malades ou ramasser les morts dont le nombre atteindra tout de même les 30 à 40 000 personnes sur une population de 90 000 habitants ! La préparation se faisait à partir, entre autres, d'absinthe, sauge, menthe, romarin, rue, lavande, cannelle, girofle et ail.
    Pour en savoir plus, Ber emmena Gigi consulter quelques vieux ouvrages de médecine à la bibliothèque municipale de la place Carli, toute proche de la Bourse. Ils cherchèrent l’origine du nom  de la préparation. Elle venait apparemment de quatre voleurs qui détroussaient les mourants, les approchant après avoir absorbé le fameux vinaigre et s’en être badigeonné le corps. Mais selon les sources, cela se passait à Marseille en 1720 ou à Toulouse un siècle plus tôt. On dit qu’ils furent grâciés après avoir révélé la recette ou que pour les remercier, ils furent pendus au lieu d’être brûlés ! Ils s’en tinrent là de leurs recherches. Pas sûr, pour les médecins modernes, que ce vinaigre ait eu une grande efficacité ; mais s’il n’a pas fait de bien, en tout cas n’a-t-il pas fait de mal. Gigi se dit qu’au bénéfice du doute, si une nouvelle épidémie arrivait à Marseille, il se concocterait bien un peu de vinaigre des quatre voleurs ! Et puis, ses nouvelles connaissances lui permirent de frimer auprès des copines de sa soeur !
    Pour finir l’histoire, disons que ce sont les descendants de cet Antoine Maille qui deviendront les producteurs des vinaigres et des moutardes que l’on connaît encore aujourd’hui, en 1970.

    (à suivre)

    À suivre chaque jour sur https://www.facebook.com/jeanpaul.garagnon

    L'intégrale est à retrouver sur ce blog http://brigou.eklablog.com/cliches-marseillais-c31530712

    « Clichés marseillais #25Clichés marseillais #27 »

  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :