• Clichés marseillais #16

    Clichés marseillais #16

    Chez l'homme en noir

    Clichés marseillais #16Je fis coulisser la porte vitrée qui n’était pas fermée à clé. Une odeur de fumée, de suie, de bois me prit le nez. Une cheminée mal entretenue encombrait un côté de la pièce. Si ce n’était l’odeur, j’aurais d’abord remarqué les étagères bourrées de livres qui occupaient la longueur face à l’entrée et la largeur sur le côté gauche. J’étais tenté de passer quelques titres en revue pour avoir une idée de ce que lisaient les gens qui vivaient ici, mais je n’avais pas vraiment le temps de m’éterniser. Du moins c’est ce que je me dis d’abord. Je montai l’escalier en pin sur la droite qui conduisait à une pièce aménagée en bureau, table, fauteuil tournant, ordinateur, canapé, étagères. Je compris que je n’aurais pas le temps de fouiller la totalité du fatras qui encombrait les étagères, un amoncellement de dossiers, de boîtes archives, boîtes à revues, boîtes à chaussures, boîtes à biscuits, boîtes en bois, en fer, en carton. Ça, c’était drôlement aimer les boîtes !J’en ouvris quelques unes, presque au hasard. Une ancienne boîte à biscuits posée sur une étagère du bas était remplie de vieilles paires de lunettes, cartes diverses, étudiant, Club Mickey, CGT, Solidaires, Ecole du ski français, piscine, porte-clés faits maison, auto-collants, pièces de monnaie étrangères, flyers de marabouts marseillais. Les cartes étaient toutes au même nom. Les photos correspondaient à celle qui m’avait été remise la veille, montrant un homme habillé de noir. Les boîtes archives débordaient de papiers divers, bulletins de salaires, factures, quittances de loyer, relevés bancaires. Toujours pas trace d’autre nom. J’en conclus que l’homme dont j’avais vu les photos sur les différentes cartes habitait seul. Je sortis de la maison et m’installai à une table du bar voisin, derrière la vitrine.

    J’attendis longtemps, marquant chaque demi-heure d’une nouvelle bière corse, leur spécialité. C’était  une petite rue à Menpenti, pas très très fréquentée, mis à part des couples de témoins de Jéhovah entrant ou sortant de leur salle, dite Le Royaume, qui se trouvait à proximité. Puis je le vis arriver. L’homme de la photo. Et des photos sur les cartes de la boîte à biscuits. Vieilli mais encore reconnaissable. Habillé de noir de la tête aux pieds. Il passa devant la porte de son immeuble sans s’arrêter, pénétra dans le bar et passa devant moi sans que son regard ne m’effleure. J’avais déjà payé mes consommations, je me levai et partis. J’en savais assez pour ce que j’avais à faire. Je le retrouverais quand je voudrais.
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