• Clichés marseillais #36

    Clichés marseillais #36

    Drague dans le bus

    Clichés marseillais #36Ils ont pris le 40 jusqu’à Castellane. Dans le bus, Gigi et Roger sont entourés de collègues de l’usine aussi évitent-ils de parler de ce qui les occupe. Pour Roger, les murs ont des oreilles et pour Gigi, Roger se fait des films, mais c’est pas grave… Roger en profite pour essayer de connaître davantage son nouvel ami dont il espère bien faire un nouveau camarade. Gigi a vite compris que le premier souci du militant trotskyste, c’est de croître et se reproduire ! Pour ça, il doit en savoir plus sur sa vie, et Gigi a l’impression de subir un interrogatoire…
    – Oh Roger ! je me croirais à l’Evêché ! Tu veux écrire un  roman sur moi, ou quoi ?
    Tout y passe. Tu lis ? Tu lis quoi ? Tu as des amis ? Tes parents, qu’est-ce-qu’ils font ? Qu’est-ce qu’ils votent ? Et ceci, et cela…
    – Tu veux pas ma taille de slip, aussi ?
    Mais à la vérité, ça ne déplaît pas tant que ça à Gigi, que quelqu’un s’intéresse à lui. Et puis, il a toujours aimé les questionnaires !

    En descendant la rue de Rome, l’interrogatoire s’oriente vers Ber. Gigi met tout de suite le holà.
    – Ecoute, Roger, le mieux ce serait que tu lui demandes directement, tu crois pas ?
    Mais Roger n’est pas un bourrin. Il sait qu’il ne convaincra pas Gigi, pas plus qu’un autre, par de longues discussions bien chiantes. Il laisse ça à certains de ses camarades que lui-même trouve assez insupportables. C’est dans la vie que chacun trouve ses raisons d’agir.

    Les voilà maintenant rue Rouvière. En passant devant le magasin Rigaud, Gigi raconte que sa mère venait ici à chaque rentrée pour acheter des blouses pour sa soeur et lui. C’était une des rares sorties « en ville » comme disait sa mère. Il y avait à Saint-Marcel des vieilles de la génération de sa grand-mère qui mouraient sans avoir jamais vu la mer.  Les voilà dans les petites rues où ils avaient couru après la première dispersion de la manif. Ça fait quoi ? On est mardi, c’était pas le dernier vendredi, l’autre, onze jours… En même pas deux semaines, le monde de Gigi a basculé. Il a participé à une manifestation violente, connu les coups et l’arrestation, passé une nuit en garde à vue, subi les pressions du syndicat, et découvert Roger dont les idées lui plaisent bien, et surtout… Stella !  En passant devant un coiffeur africain, il se voit sourire niaisement dans la vitrine. Il se dit qu’il l’emmènera ici, dans ce quartier où il se sent si bien, dans les bistrots qu’il fréquente avec Ber et Roger.  Et ailleurs aussi, il l’emmènera partout ! Lui aussi, il a des choses à lui faire découvrir. Mais ils enquillent déjà la rue de l’Académie et arrivent à la Bourse.
    – J’imagine que tu connais déjà, demande Gigi.
    – Je suis venu en 68, on se réunissait un peu partout. Sauf à la nouvelle Bourse, à la CGT, ils voulaient pas nous voir !
    Au bout d’un couloir mal éclairé, une porte ouverte, une affichette CNT-FAI, un bureau, une table derrière laquelle se tient Ber.

    (à suivre)

    À suivre chaque jour sur https://www.facebook.com/jeanpaul.garagnon

    L'intégrale est à retrouver sur ce blog http://brigou.eklablog.com/cliches-marseillais-c31530712

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