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Ricardo Romero, Les chiens de la pluie
Rentrée littéraire 2022 #20
Ricardo Romero, Les chiens de la pluie
Paraná, nord de l’Argentine, à une date non précisée, mais que l’on peut situer à la fin des années 1990. Donc au début de la crise économique qui a secoué le pays entre 1998 et 2002. On notera que le roman date de 2011, mais qu’il vient d’être publié dans une traduction française.
Tout se passe en une nuit, de 18h à 6h le lendemain matin. La pluie ne cesse de tomber, provoquant des effondrements un peu partout dans la ville. On ne peut s’empêcher de penser à la situation du pays à cette époque-là où l’économie s’effondrait, jetant à la rue d’innombrables Argentins qui n’avaient plus pour solution que de ramasser les déchets dans la rue, à commencer par les cartons, ce qui peut vaut le nom de « cartoneros ».
On parle souvent pour ce livre de « roman choral ». On fera une nuance en précisant que Romero ne fait pas parler ses personnages à la première personne puisque chacun est traité dans ce que l’on appelle la « focalisation interne », le narrateur s’exprimant à la troisième personne et ne connaissant les pensées que d’un seul personnage. Mais les chapitres alternent les personnages et donc les points de vue. On se demande au départ ce qui peut bien relier ces personnages qui sont dans des lieux et des histoires distincts. Évidemment, les liens vont apparaître peu à peu et tous seront reliés à la fin.
L’intérêt du roman réside surtout dans l’atmosphère nocturne, pluvieuse, triste, par la juxtaposition de ces vies minuscules, par les rencontres improbables et les coïncidences rapprochant – sans forcément qu’ils se rencontrent – les personnages pour lesquels on finit par ressentir un véritable attachement. On a parfois l’impression de regarder un film en noir et blanc dont émergent quelques taches de couleurs : une flaque de sang, une robe rouge, une Dodge bleu clair et un sac noir, mais d’un noir qui serait autre chose que le noir.
Comme dans la vie, tout n’est pas dit, tout n’est pas montré, le lecteur garde une part de travail importante pour démêler les fils de l’histoire, pour déceler les allusions à la réalité du pays, comme cette salle de classe enfouie par un effondrement, dans laquelle trône encore un portrait d’Evita Perón, figure historique controversée ou ce militaire qui accueille une jeune fille perdue de vue, mais dont il semble très proche. On n’en dira pas plus…
Ricardo Romero, Les chiens de la pluie, Asphalte, 272 pages
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