• Clichés marseillais #05

    Clichés marseillais #05 

    Menpenti - Mes mardis chez Marie

    Clichés marseillaisLe dernier mardi du mois, à neuf heures quinze, je vais voir Marie. Il y a encore peu, j’y allais le vendredi soir. Depuis que je ne travaille plus, je préfère le mardi matin. Elle est plus en forme, l’odeur de sa transpiration ne domine pas encore celle de l’eau de toilette dont elle use sans abus.
    Disant cela, je ne voudrais pas vous laisser croire que son odeur de transpiration m’indispose. Non, ce n’est pas cela. J’aime au contraire cette odeur, mais je l’aime lorsque j’en suis la cause. J’aime trouver Marie fraîche et la quitter toute moite de notre rencontre.
    Ceci dit, je reviens au mardi matin en question, où je porte une attention particulière à mon aspect et à ma tenue. Je ne néglige ni le brossage de dents, ni le rasage, la douche, le déodorant et la lotion après rasage. Je sais que Marie n’est pas indifférente à ces petites attentions qui sont déjà des présents que lui destine. Tout est dans le détail. À 9h05 précises, je sors de chez moi. Chaque pas va maintenant augmenter la tension en moi – il ne faudrait d’ailleurs pas qu’en prenant à droite je me rende chez ma généraliste qui n’en croirait pas son tensiomètre et aurait tôt fait de me garder en observation, mais ce n’est pas le sujet, le sujet c’est Marie et donc – tension qui monte comme celle de la corde s’apprêtant à décocher sa flèche et à 9h15 pile je suis au bout de l’avenue et je sonne chez Marie.

    *

    Nos rendez-vous ne laissent que peu de place à l’improvisation et c’est pour moi ce qui en fait le charme. Nous avons tous deux passé l’âge de la gêne et des hésitations, même si Marie est bien plus jeune que moi, comme il se doit.
    À peine suis-je arrivé qu’elle se saisit de mes vêtements et les suspend sur des cintres dans sa penderie. Nous nous installons ensuite, toujours dans la même position, et elle fait couler l’eau qu’elle sait régler selon mon goût. Pour les préliminaires, sa position est intangible : derrière moi, de façon que je ne puisse me repaître de sa contemplation, cela sera pour plus tard. Elle fait ruisseler l’eau sur moi, avant de poser ses doigts légers mais fermes sur mon corps et de les faire longuement aller et venir. Je demeure immobile, c’est la convention qui régit nos échanges. Elle reste à l’initiative tout du long, de bout en bout. Quand elle estime que cela a assez duré – ce n’est jamais moi qui peut décider du terme – nous changeons de lieu et de position, sans toutefois que je puisse à aucun moment donné me trouver à la manœuvre. Elle se fait alors tourbillon, effleurements, attouchements, pressions et je peux l’admirer flamboyante, répétée dans les grands miroirs qui entourent l’endroit. Je m’envole enfin vers des rêves dont elle n’imagine pas la première image.
    Je ne vous livrerai pas la suite de ces rencontres car je ne voudrais pas abuser de votre tolérance.
    Disons simplement que la conclusion est toujours la même : On leur met un peu de laque, ou on les laisse naturels ? Naturels, Marie, naturels.

    (à suivre)

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