• Claudie Hunzinger, Un chien à ma table

    Claudie Hunzinger, Un chien à ma table

     

    Rentrée littéraire 2022 #17

    Claudie Hunzinger, Un chien à ma table

    Sophie Huizinga, personnage principal du roman de Claudie Hunzinger – non, la proximité des noms ne doit pas être fortuite… – partage avec nous quelques années de vie, de celles où le corps ne répond plus comme on le souhaiterait, où l’on voit s’étioler l’être qui partage votre vie, où son périmètre de vie se réduit comme peau de chagrin. Douze kilomètres de diamètre avec en son centre les Bois-Bannis, la maison achetée par ce couple quelques années auparavant. Six kilomètres de rayon, parce que l’aller et retour au plus loin, quatre heures de marche, est maintenant le plus que peut faire Sophie. Mais ce coin isolé de la moyenne montagne vosgienne, elle le parcourt en tous sens, accompagnée le plus souvent de Yes, une petite chienne recueillie par hasard et invitée à sa table.
    Tout le livre est empreint de complicité, de proximité et d’amour. Entre les habitants des Bois-Bannis, Sophie, Grieg son compagnon et Yes. Cent-soixante ans passés à eux trois. Grieg ne quitte plus la maison, il lit. Yes se réjouit d’avoir échappé à son maître, que l’on devine pervers zoophile. Sophie lit, écrit et marche, attentive aux moindres choses, aux petites, aux infimes, celles qu’on ne regarde pas.
    « Quand j’étais la seule à être déjà éveillée, levée, la maison était plus grande. Je l’occupais en entier. Je devenais la maison. Je la remplissais. Ma tête touchait le toit, mes yeux étaient les fenêtres, mes oreilles étaient les murs. J’écoutais autrement. À l’affût des autres voix. J’entendais toutes les voix que je n’entendais pas quand les autres étaient éveillés. Et je percevais mieux la rudesse des choses, la saleté souveraine des petites choses élémentaires, débris, cendres, allumettes. Et je me réjouissais d’avoir à allumer la journée, de la lancer comme cheval au galop. Et de me dire : on ne se soumet pas. »
    Les grands espaces que l’on pressent autour des Bois-Bannis nous restent inconnus, « inabordés ». En cela, ce roman n’est pas un faux roman américain. C’est un roman qui observe, en attendant la fin, comment l’amour et la beauté peuvent survivre et accompagner la flétrissure. Et Sophie va cueillir exprès des bouquets pour les voir faner.
    « À présent, un bouquet de fleurs restait dix jours sur la table pour que je puisse me pencher de très près sur la désagrégation de leur beauté, observer leurs cous qui se tassaient, leurs bajoues qui pendaient, leurs épaules qui s’affaissaient, leurs dos bossus, leurs vieilles fesses en ruine, leurs nichons qui tombaient – je cite –, leurs aberrations formelles, et l’effort désespéré qu’elles mettaient à vivre encore. À tenir encore, tous leurs sortilèges éventés. C’était pitoyable. »
    Ce qui n’a rien de pitoyable, c’est l’amour qui demeure à chaque page.

     Claudie Hunzinger, Un chien à ma table, Grasset, 208 pages

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