• José Falero, Supermarché 

    Rentrée littéraire 2022 #07

    José Falero, Supermarché

    Porto Alegre, Brésil, 2009. Le jeune Pedro en a marre de la pauvreté, de la maison sommaire qu’il partage avec sa mère dans une favela aux rues en terre. Il se dit que décidément, la société est mal faite. « Tous ses ancêtres avaient beaucoup travaillé toute leur vie, avaient appartenu à la classe sociale qui maintenait ce pays de merde en état de marche, et s’ils avaient toujours été pauvres, c’était parce qu’il devait y avoir quelque chose qui clochait… » Et ce n’est pas en restant dans les clous de la loi qu’il s’en sortira. Il va parler à son ami Marques, rayonniste comme lui dans un supermarché, de l’idée qui lui est venue pour devenir riche. Mais d’abord, il va lui faire, dans son langage, un véritable cours d’économie marxiste que n’aurait pas renié le camarade Ernest Mandel ! Ou comment expliquer la théorie de la valeur, la plus value et l’aliénation en trois coups de cuillère à pot. Génial ! L’idée, c’est de vendre de la marijuana là où plus personne n’en vend, à un tarif défiant toute concurrence pour vendre plus : taux de profit plus faible, mais gros bénéfices. Et partage à parts égales entre tous les membres du réseau. Le deal socialiste, quoi ! Ce ne sera pas la seule démonstration de Pedro qui montre un véritable don pour la vulgarisation de l’anticapitalisme, sans jamais le nommer bien sûr…

    On imagine bien les rebondissements qui ne vont pas manquer dans cette histoire. Jusqu’où cette délinquance de rêve peut-elle aller ? On va suivre tout ça dans une langue très imagée et on imagine que le traducteur s’est bien débrouillé en reprenant des expressions actuelles bien de chez nous !

    On peut lire ça comme un polar, une étude sociologique sur la répartition des richesses au Brésil (et par extension, un peu partout) et comme un roman sur l’amitié et la solidarité.

    À. Noter que l’auteur est né à Porto Alegre en 1987 et qu’il sait de quoi il parle.

    José Falero, Supermarché, Métailié, 304 pages


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  • Claire Baglin, En salle 

    Rentrée littéraire 2022 #06

    Claire Baglin, En salle

    Alors quoi ? Vous pensiez que vos vies ordinaires n’intéressaient personne ? Que votre banal quotidien ne méritait pas un récit ? Lisez En salle et vous serez détrompés.

    C’est une gamine dans une famille ouvrière, de celles dont on parle peu dans les romans, le père à l’usine, la mère dont, dit-elle « À chaque rentrée scolaire, je ne savais jamais expliquer ce qu’elle faisait comme travail. » Un frère le pied au plancher en permanence, une grand-mère en plein syndrome de Diogène.

    On retrouve l’enfant une dizaine d’années plus tard dans un récit alterné. Équipière (ce mot !) dans un fast-food, bouchon sur l’eau qui stagne par terre en permanence, flottant entre les autres équipiers, les manageurs, la formatrice qui part en pause dès qu’on lui pose une question, les clients  (genre celui qui demande huit fois : – De l’ananas tranché ! – Mais enfin on n’en vend pas ! – Ah, d’accord.)

    Parfois, pour s’échapper un instant de cette vie de rien, les personnages s’en vont dans des fictions secondaires, fictions dans la fiction,  imaginant ce qui pourrait ou aurait pu arriver si… ou bien si… Mais même les rêves demeurent dans des limites très raisonnables. On notera au passage que si le mot « travail » se retrouve à trente-sept reprises dans ce court roman, celui de « métier » n’apparaît qu’une seule fois, et encore n’est-ce pas à propos de l’activité des personnages, mais c’est quand le père dit, en parlant des enfants « il faut qu’ils voient d’autres métiers pour se rendre compte ».

    Narration au scalpel, sans fioritures, d’une efficacité redoutable. Ça claque à chaque page, c’est d’une banalité consternante, magnifique et passionnante.

    Claire Baglin, En salle, Minuit, 160 pages
     


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  • Anna Hope, Le rocher blanc 

    Rentrée littéraire 2022 #05

    Anna Hope, Le rocher blanc

    Il y a parfois des livres et des lecteurs qui ne retrouvent pas. C’est le cas avec ce Rocher blanc : je n’ai tout simplement pas marché.
    Ce rocher blanc, à quelques encablures de la côte pacifique mexicaine, est un aimant. Au fil du temps, il a attiré toute une galerie de personnages – pour ne s’en tenir qu’au roman. Le livre suit donc quelques personnages ou groupes de personnages dans leur quête. Car il y a bien une dimension mystique dans tout ça. Et chaque groupe va développer sa propre histoire, au sein de laquelle vont s’imbriquer d’autres histoires plus anciennes. Mais en dehors du magnétisme du rocher blanc, il reste seulement, pour relier l’ensemble, le fait que tous ces personages se trouvent à un moment de bascule de leur vie et qu’ils espèrent que ce rocher va les aider à retomber du bon coté. Et l’impression finale est plutôt celle d’une juxtaposition d’histoires indépendantes, comme des longues nouvelles écrites autour d’un même thème.
    C’est un bon livre, mais ce n’est pas un livre pour moi.

    Anna Hope, Le rocher blanc, Le bruit du monde, 336 pages


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  • Thierry Beinstingel, Dernier travail 

    Rentrée littéraire 2022 #04

    Thierry Beinstingel, Dernier travail

    En 2010, Thierry Beinstingel, dans Retour aux mots sauvages, avait déjà abordé le sujet : le monde du travail et ses restructurations et réorganisations incessantes, souvent au prix de la santé des travailleurs. Cette fois, il explore l’origine de ce que l’on a appelé « l’affaire des suicides de France Télécom », en s’attachant au cas d’un cadre placardisé qui met fin à ses jours deux ans avant le début de la grande vague. Le personnage principal, Vincent, assistant DRH à quelques mois de la retraite, en vient, un peu par hasard, à se poser des questions sur les causes de cet acte. Il va multiplier les contacts avec les proches du suicidé : épouse, fille, beau-frère, anciens collègues. Peu à peu, la situation sort de l’ombre où tout le monde l’avait enfouie, dessinant au passage des miniatures de vie au travail qui ne sont pas à l’avantage de l’opérateur téléphonique. Il décortique aussi le langage qui, quand on se donne la peine de le comprendre, déguise à peine une rare violence. « charges de personnel », « donner du sens », « travailler en transverse », « interagir », « créer de la valeur », « œuvrer en co-construction », « gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences », « licenciement d’un commun accord ». Sandra Lucbert, dans Personne ne sort les fusils, allait aussi très loin dans l’analyse de ce langage1.
    Ce livre paraît au moment où l’on attend le jugement des dirigeants de France Télécom qui ont fait appel de leurs condamnations de première instance2.

    Thierry Beinstingel, Dernier travail, Fayard, 256 pages

    1 - Sandra Lucbert, Personne ne sort les fusils, Seuil. Lire notre chronique ici https://www.facebook.com/jeanpaul.garagnon/posts/2729040500696944

    2 - Délibéré le 30 septembre 2022. Pour plus d’informations sur le procès France Télécom, on se reportera au site proceslombard.fr qui, entre autres, donne la parole à des personnalités diverses ayant assisté à des audiences, comme Arno Bertina, Roland Gori, Danièle Linhart ou Dominique Manotti.


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  • Agnès de Clairville, La poupée qui fait oui

     

    Rentrée littéraire 2022 #03

    Agnès de Clairville, La poupée qui fait oui

    C’est donc l’histoire d’une poupée qui fait oui. Une grande poupée qui débarque à seize ans dans une grande école peuplée de garçons qui ont très envie de jouer avec elle.
    C’est l’histoire de la découverte de l’amitié, du sexe, de l’amour où semble se rejouer une partie de l’histoire familiale.
    C’est l’histoire d’amours naïves, flambantes, trahies, déçues, nocives. Au risque de dépasser les limites.
    Agnès de Clairville raconte cette histoire à travers les propos de quatre personnages, la poupée, sa mère, un ami et une assistante de l’école qui tient le rôle d’adulte témoin. Ils interviennent tous à la première personne et l’on tourne ainsi autour du sujet en adoptant à chaque chapitre un point de vue différent.
    Dès les premières lignes, le style nous percute et sa violence nous donne une idée de ce qui nous attend. Oui, l’amour peut mordre !

    On éprouve une tendresse particulière pour ce personnage et pour ce livre qui a été écrit dans le cadre de nos ateliers au long cours. L’aventure a été belle pour l’animateur et pour les participant-e-s du groupe qui ont vu naître et grandir cette belle poupée ! Nous souhaitons à l’autrice la poursuite de cette belle aventure.

    Agnès de Clairville, La poupée qui fait oui, HarperCollins, 288 pages


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    Rentrée littéraire 2022 #02

    Valentine Goby, L'île haute

    Valentine Goby, c’est l’écriture des sensations. Vadim, 12 ans, juif parisien et asthmatique, est envoyé à Vallorcine, une vallée au-dessus de Chamonix, où il devient Vincent. Ça fera du bien à son asthme et à sa liberté, et donc à sa vie. On est en 1942. Des sensations, il va en prendre à profusion : la montagne, le froid, la neige, les bêtes, la nature. Et Goby n’a pas son pareil pour nous faire ressentir cette attaque des sens. On y est, on voit ces aiguilles rousses qui ont l’air d’un poulpe, on éprouve ce froid qui transperce mais qui apporte fraîcheur et soulagement aux bronches du jeune asthmatique, on sent les vaches par la porte ouverte entre l’étable et la cuisine, on entend la neige craquer sous les pieds, l’avalanche gronder. La petite voisine, Moinette, s’étonne de l’étonnement de Vincent : T’as jamais vu la neige ? T’as jamais vu de forêt ? T’as jamais vu de coucous ? T’as jamais vu d’Allemand ?
    Il fallait oser écrire encore une histoire sur un enfant juif sauvé par la campagne française – la montagne en l’occurrence – mais Valentine Goby nous offre un objet totalement original grâce à cette écriture des sensations : le lecteur est totalement embarqué dans la tête et le corps de Vadim et il vit chacun de ses émerveillements.
    Un livre qui mérite une reconnaissance !

    Valentine Goby, L'île haute, Actes Sud, 288 pages
     

     


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    Rentrée littéraire 2022 #01


    Amélie Nothomb, Le livre des soeurs, Albin Michel

    On pourrait presque dire mot pour mot la même chose que pour Les aérostats en 2020, en ce qui concerne la forme. C’est toujours court, sec, percutant, sans fioritures. Avec une histoire qui vous tient jusqu’au bout (3 h du matin…).

    Tristane est une petite fille terne, sauf quand elle parle. Elle apprend toute seule à lire et à écrire. Ses parents sont très amoureux l’un de l’autre mais s’apercevant à peine qu’ils ont un enfant. C’est donc un grand bonheur pour Tristane quand une soeur lui est donnée en la personne de Laetitia. Voilà le vrai, le bel amour.
    Derrière cet argument basique se cachent des relations familiales malsaines avec les parents, la tante, la grand-mère, et oui, essentiellement des femmes. Qui vivent toutes différemment leur vie, leur famille, leurs liens. On ne cesse de s’indigner face à certaines réparties. Et c’est souvent très drôle.
    On s’en voudrait presque, mais il faut reconnaître qu’il y a ici un bon livre.

    Amélie Nothomb, Le livre des soeurs, Albin Michel, 198 pages


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  • Nathalie Quintane 

    Rentrée littéraire 2021 #15

    Nathalie Quintane, La Cavalière

    Elle est enseignante, en philosophie, années 1970 et quelques, dans une petite ville du Sud de la France qui, pour n’être nommée que sous son initiale, D., n’en est pas moins préfecture. C’est la cavalière, Nelly Cavallero. Qui n’a pas abjuré les idées de 68, qui enseigne autrement. Difficile à avaler pour l’Institution. Qu’il s’agisse de l’Éducation nationale, de la Justice, de la bourgeoisie (petite, moyenne ou taille réelle) ; de l’État giscardien ou de la mairie socialiste. Alors on va la chercher, partout où l’on pourra la trouver, lui chercher des poux dans la tête, des cours licencieux, des pratiques mal séantes. On l’accuse : incitation de mineurs à la débauche. On la suspend, on la radie.
    Si l’on pense bien sûr à Gabrielle Russier, le cas de Nelly Cavallero est peut-être plus accablant pour la société en ce qu’il est plus ordinaire, semblable à celui de dizaines (centaines ? plus ?) de cas similaires, cicatrices de la remise au pas. Nelly ne se suicidera pas, elle prendra une nouvelle voie, ses élèves et ceux qu’elle aurait pu avoir y perdent l’occasion d’un éveil sans doute plus complet au monde.
    Le monde, c’est bien de cela que Nathalie Quintane fait littérature. Surtout pas du « Inspiré de faits réels » ou « Tiré d’une histoire vraie »… Beurk ! Ce qu’elle va chercher dans les faits, c’est leur sens, les flèches qu’ils jettent vers nous, dont elle suit les trajectoires et regarde où elles arrivent, où elles touchent, où elles frappent.
    En cela, elle occupe une place dans notre champ littéraire qui n’est pas très encombrée. On y trouve Sandra Lucbert (« Personne ne sort les fusils ») et sans doute Marie Darrieussecq (« Notre vie dans les forêts », « La Mer à l’envers »). Peut-être quelques autres. Pour elles, la place de la littérature est là : avec elle, on sort les fusils !

    Une fois cela posé, Quintane met la forme au service du projet, n’hésitant pas à malmener délibérément la chronologie et la syntaxe. Elle pense en écrivant, écrit en pensant, nous pousse à penser avec elle  mais pas forcément comme elle. Que demande le peuple ? C’est un peu comme si l’on prenait du plaisir en regardant Arte…(1)

    (1) Je me désolidarise totalement de ce que je viens d’écrire !

    Nathalie Quintane parle de La Cavalière : https://youtu.be/zpjKein4Ah8

    Nathalie Quintane, La Cavalière, P.O.L, 2021


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  • Mario Vargas Llosa, Temps sauvages 

    Rentrée littéraire 2021 #14

    Mario Vargas Llosa, Temps sauvages, Gallimard

    Qu’est-ce que j’apprends ? Les États-Unis auraient planifié, soutenu, voire organisé des coups d’État contre des pays souverains ? Au profit, dans le cas de ce livre, d’une multinationale bananière qui ne supportait pas qu’on veuille lui faire payer des impôts sur ses faramineux bénéfices, qu’on autorise les syndicats et qu’on donne à des paysans pauvres les terres qu’elle possédait sans les exploiter ? Ben ça alors !
    Nous sommes au Guatemala, en 1954, mais aussi avant et après, tant Vargas Llosa se joue de la chronologie. Il nous balade sur près de cent ans de multitude sauvage où un dictateur chasse l’autre , où les dictateurs du sous-continent – et ils ne manquent pas – se serrent les coudes, se donnent la main et font un bras d’honneur aux peuples.
    Pourquoi malmener la chronologie, me direz-vous – ou pas ? L’intérêt – car il doit toujours y en avoir un, au risque de tomber dans le procédé – est de ce centrer sur une action, un épisode et d’en rendre les tenants et les aboutissants, au-delà du seul déroulement ; de montrer l’évolution des personnages. La façon est évidemment très adaptée au sujet, aux retournements incessants et aux inéluctables trahisons.
    Vargas Llosa, dernier représentant vivant du « boom latino-américain », ajoute une référence au catalogue qui pourrait bien être un point d’orgue.

    Mario Vargas Llosa, Temps sauvages, Gallimard, 2021


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  • Rentrée littéraire 2021 #13

    Céline Minard, Plasmas

    Les voies de la nature sont impénétrables et peuvent nous conduire aux configurations les plus surprenantes quand elles sont le fruit de l'imagination de Céline Minard.
    Nous sommes bien longtemps après l’apocalypse écologique. L’univers est peuplé de formes de vie nouvelles, ni végétales ni animales, mais un peu des deux et autre chose en plus. Même la lumière agit différemment. Quelque chose de très déconcertant !
    L’invention semble illimitée, constituée entre autres, au fil de la dizaine de récits, de gigantesques extrapolations, de diffractions radicales de la réalité, si tant est soit-il qu’une réalité existât un jour quelque part…
    Je ne suis sans doute pas le lecteur qui convient le mieux à cette littérature, tout en reconnaissant l’intérêt et la valeur. Le dernier récit, titré La Kuïn, nous offre quelques clés de l’apocalypse. On l’écoute : « Quand une espèce se multiplie sans rapport avec ses possibilités de survie, elle offre ses enfants à l’environnement, elle les voue à la pourriture, à reconstituer l’humus qu’elle a lessivé, elle fait de sa descendance la table de son festin renouvelé. Les corps tendres sont vite recyclés. Mais les cerveaux jeunes sont plastiques, rapides, capables de produire une gaze sur une plaie béante, de passer outre les fondations, et de suturer les microconnexions arrachées. » On reconnaîtra au passage « La jeune fille à peau lisse, trop calme, qui leur tendait le monde tel qu’il était, un miroir où ils auraient pu se reconnaître et toucher leurs plaies comme font les grands singes et les éléphants sauvages. » Elle parle en vain devant des assemblées, finissant par s’attirer « la condescendance, la réprimande, les tentatives d’intimidation, la menace. »

    Céline Minard, Plasmas, Rivages, 2021


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  • Rentrée littéraire 2021 #12

    Eduardo Mendoza, Le roi reçoit

    L’Espagne vit dans l’attente de la mort du dictateur, les États-Unis dans la fièvre du Watergate et dans l’ébullition post 1968. Rufo Batalla, nous entraîne à sa suite, l’accompagnant dans une solitude rampante qui le conduit de Barcelone à New York.
    En toile de fond, Mendoza nous sert un de ces personnages délirants qui parcourent ses livres, en la personne de Tadeusz Maria Clementij Tukuulo, « Bobby, pour les intimes », prince de Livonie, qui rêve d’occuper le trône de roi d’une principauté occupé depuis belle lurette par les Soviétiques.
    Mendoza, toujours aussi maître de la narration et agréable à lire, dresse une sorte d’état des lieux de la société espagnole « pré-post-franquiste ». La famille, la politique, la presse, tout y passe. Les anciens sont empêtrés dans une culpabilité qui leur colle aux basques comme la gadoue des plaines livoniennes à celles des expéditionnaires de la principauté de Kiev. En parlant de Basques, les voilà qui apparaissent à la fin de l’histoire en envoyant la voiture blindée de Carreo Blanco, nommé chef du gouvernement par Franco, sur le toit d’un immeuble. La dose d’explosif était quelque peu exagérée… Cette ascension sera l’amorce de la chute de la dictature.
    À New York, Rufo navigue entre les bureaux très gris et très ennuyeux de l’administration espagnole qui l’emploie et les milieux artistiques émergents. Ici, c’est le Vietnam qui colle aux esprits tandis que notre héros navigue entre quelques relations féminines insatisfaisantes.
    Mendoza réussit à nous parler de tout ça, il nous fait percevoir la grisaille de l’époque en train de se déchirer, comme le ciel après l’orage.

    Eduardo Mendoza, Le roi reçoit, Le Seuil, 2021


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  • Rentrée littéraire 2021 #10

    Leonardo Padura, Poussière dans le vent

    Il y a maintes façons de parler de Cuba. Du point de vue du bilan social et politique, il y en a au moins deux. La comparaison aves les pays proches donne vraisemblablement l’avantage à Cuba pour la santé, l’éducation, la culture et même l’alimentation. Mais l’évaluation de la situation actuelle en comparaison des objectifs affichés par le régime, que ce soit à ses débuts ou aujourd’hui, offre une vision moins avantageuse. Padura se situe clairement du côté de la première manière de parler de son pays. Pourquoi pas ? C’est son choix et il est respectable. Il ne faut cependant pas extrapoler les conclusions ainsi tirées pour déterminer celles qui découlent de l’autre manière d’évaluer les choses. C’est pourtant ce que fait l’auteur ici. Certes, tout n’est pas rose, – et encore moins rouge – nous dit-il en substance, mais c’est pas plus mal que si c’était pire et malgré tout nous continuons d’y croire.
    Ses personnages, censés représenter une partie de la population cubaine, se débattant dans les difficultés du quotidien, s’aiment, se déchirent, se trahissent, se fuient, au point de lasser le lecteur le plus complaisant.
    Tout au long du récit, ces gens se demandent ce qui leur est arrivé, et l’on doit rapporter la question aussi bien au groupe d’amis qui est au centre du récit qu’à la société cubaine et au pays dans leur ensemble. On comprend bien le propos, il n’était peut-être pas indispensable de nous le répéter des dizaines de fois. Tout en l’accompagnant d’annonces incessantes sur tout le pire qui va ensuite leur arriver. Je n’ai rien en général contre les descriptions détaillées des états d’âme ni contre les répétitions, lorsqu’elles font sens dans la narration, ce qui ne m’a pas semblé être le cas ici. Ça en devient verbeux et très long, fastidieux par moments. D’autant que nombre d’épisodes reviennent à différents moments du livre, mais racontés à peu près de la même façon, parfois au mot près, sans que le fait que le lecteur, en sachant un peu plus sur ce qui s’est passé entretemps, y trouve un éclairage supplémentaire. L’éclatement de la chronologie peut, dans certains romans, donner de grandes choses, mais Padura, parti à la recherche du temps, s’y est un peu perdu.

    Leonardo Padura, Poussière dans le vent, Métaillé


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  • Rentrée littéraire 2021 #11

    Mohamed Mbougar Sarr, La plus secrète mémoire des hommes

    L’exergue de Roberto Bolaño nous met en garde : attention, vous risquez d’entrer dans la littérature, celle, pour l’auteur chilien, « qui ose s’enfoncer les yeux ouverts dans l’obscurité et qui les conserve toujours ouverts quoi qu’il arrive ».
    L’exergue fût-elle absente que nous aurions rapidement eu de ces réminiscences qui vous mettent en alerte : l’auteur et l’oeuvretransposés et largement imaginés, tout borgésiens, repris par Bolaño ; la recherche d’un double rimbaldien ; et les clins d’oeil plus discrets que les bolañistos sauront déceler et savourer.
    Le roman se présente donc comme celui d’un auteur sénégalais qui raconte l’histoire d’un auteur sénégalais qui part à la recherche d’un auteur sénégalais qui part à la recherche de quelqu’un (je ne vais pas tout dévoiler…) Dans leurs quêtes, ces personnages vont en rencontrer d’autres qui sont ou furent eux aussi à la recherche de cet auteur sénégalais dont la vie et la destinée vont ainsi se construire peu à peu sous nos yeux, au fil des parties et sous-parties, à force d’entretiens, de lettres, d’articles et de livres qui remontent vers le narrateur premier.
    L’exercice est évidemment périlleux et, si Sarr penche parfois trop du côté du procédé et de la belle formule, il s’en sort à son avantage grâce à la puissance de sa langue.
    En refermant le livre, on se dit que Les détectives sauvages, de Bolaño, n’est finalement pas si complexe qu’on veut bien le dire…
    Voilà en tout cas un livre bien parti pour le Goncourt qui sera décerné demain.

    Mohamed Mbougar Sarr, La plus secrète mémoire des hommes, Philippe Rey, 2021


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  • Rentrée littéraire 2021 #09

    Richard Ford, Rien à déclarer

    Olivier Cohen, des éditions de l’Olivier, nous racontait un jour avoir vu arriver dans son bureau Raymond Carver, accompagné d’un grand type. Carver, dont toute l’oeuvre est parue à l’Olivier, dit à Cohen Je te présente Richard Ford, il faut que tu le publies. Il ne lui en fallait pas plus. Petit veinard.
    En lisant les nouvelles du présent recueil, on pense rapidement à Carver, même si l’on ignore l’anecdote. Voici des situations, des moments de vie, quelques personnages entre lesquels il ne semble pas forcément se passer grand chose. Tout se passe dans la tête des personnages, c’est là que réside l’aventure.
    Un avocat de la Nouvelle-Orléans retrouve à l’occasion d’une réunion professionnelle, son ancien et éphémère amour de jeunesse. Après la réunion, ils sortent faire un tour dans la moiteur tropicale, entourés de musique. Elle est toujours belle, ils ont envie de s’embrasser. Le feront-ils ? Partiront-ils ensemble ?
    Un petit groupe d’amis se trouve réuni au bord de l’océan. L’une d’entre eux les rejoint après que son compagnon vient de mourir. Des souvenirs reviennent à la surface, des rancoeurs, de l’indifférence. Tout cela sera peut-être emporté au matin par la marée.
    Ford est un formidable conteur. Qu’on se souvienne de son Canada (Prix Femina 2013) ! Il déploie ici tout son talent pour le récit du peu. Et l’on est tout autant emporté.

    Richard Ford, Rien à déclarer, L'Olivier


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  • Rentrée littéraire 2021 #08

    Rebecca Gisler, D'oncle

    C’est l’histoire d’un oncle. Chez qui deux grands adolescents débarquent un peu par hasard. L’oncle habite la maison de ses parents, celle des grands-parents des ados donc – vous suivez ? – où ils passaient leurs vacances dans leur enfance. En Bretagne. Aujourd’hui, c’est une espèce de colocation entre l’oncle, le frère et la soeur qui est par ailleurs la narratrice de cette belle histoire.
    L’oncle travaille vaguement à l’entretien d’une abbaye. Mais les soeurs sont parties. Il regarde la télévision. Tout le temps. L’oncle ne se lave pas. Il est sale. L’oncle mange comme un cochon. Y en a partout. Il mange surtout des sandwiches à l’andouille. Dans sa chambre. Les activités de l’oncle se limitent à tirer à l’arc, tondre la pelouse et chasser les taupes. Dans le jardin. Pendant t ce temps, le frère et la soeur se grattent. Leur épiderme eczémateux. Et ils rédigent pour le site web d’une animalerie les notices des produits proposés à la vente. Mais les animaux ne les lisent pas.
    Rebecca Gisler, jeune autrice suisse, montre toute la tendresse de la narratrice pour l’oncle, une fois passées les réticences dues à sa saleté et à son état psychique assorti. Le propos est précis, analytique, une sorte d’étude du spécimen de cet être vivant qu’est l’oncle. Et c’est drôle. Souvent. Et triste aussi, parfois.
    Belle réussite que de nous faire aimer ce personnage à la Gros dégueulasse façon Reiser, si cher à nos coeurs !

    Rebecca Gisler, D'oncle, Verdier


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  • Tanguy Viel, La fille qu'on appelle

     

    Rentrée littéraire 2021 #07

    Tanguy Viel, La fille qu'on appelle

    On se souvient du précédent roman de Viel, Article 353 du Code pénal, dans lequel un homme raconte dans le bureau d’un juge d’instruction comment il a été amené à commettre le crime dont on l’accuse, ce que l’on apprend au début du récit.Dans La fille qu’on appelle – je vous laisse traduire en anglais –, c’est la victime qui parle devant les policiers alors qu’elle vient déposer plainte.
    Dans les deux cas, l’auteur laisse la parole à ses protagonistes qui racontent longuement, dans le désordre – en tout cas dans le désordre chronologique, mais il y a sans doute un autre ordre dans leur propos –, par bribes, en se répétant, composant peu à peu le tableau de la violence. Car il y a bien violence, dans les deux cas, y compris à l’encontre du meurtrier d’Article 353… Cette fois, à la violence sociale s’ajoute la violence de l’homme sur la jeune femme. De l’homme riche sur la jeune femme en quête de logement et de travail. De l’homme de pouvoir sur la fille de son chauffeur.
    On retrouve donc les ingrédients favoris de Tanguy Viel, critique sociale et empathie pour les victimes. Le tout servi par une langue d’une parfaite fluidité assemblant à merveille les éléments fragmentés.

    Tanguy Viel, La fille qu'on appelle, Minuit


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  • Rentrée littéraire 2021 #06

    Christine Montalbetti, Ce que c'est qu'une existence

    Voici une galerie de personnages que nous suivons durant une journée. Une journée de leur vie à tous. À tous plutôt qu’à chacun, car s’ils ne se rencontrent pas au cours de cette journée, ils se connaissent avant et tous sont liés par des relations, plus ou moins ténues, qui apparaissent peu à peu. Parfois aussi, des personnages secondaires se croisent tout en ignorant que quelque chose les unit. Le roman s’organise autour d’un homme, un père, posté derrière sa fenêtre, il observe le carrefour au pied de l’immeuble. Il est le seul à avoir un lien réel avec chacun des personnages.
    On parlerait de roman choral si chaque personnage prenait à son tour la parole. Ici, c’est l’auteur qui revendique explicitement le rôle de narrateur dans une démarche très métaleptique (et bim !). Et l’auteur, sympa et didactique, nous donne les clés : « Parce que, oui, c’est bien ce qui va se passer ici, on va suivre sur une même journée ce que vivent au même moment plusieurs personnages, plus ou moins reliés entre eux ; mais ne vous inquiétez pas, ce sera tout doux, tout progressif, on ne va pas du tout se perdre, non, et je suis là pour aider. On ira de l’un à l’autre, comme ça, on slalomera fastoche, un coup de hanche par-ci, un coup de hanche par-là. On surfera, à l’aise Blaise, habiles et souples, hop, hop, et progressivement ce sera tout un petit monde qui se construira. » Ok, compris !
    Montalbetti multiplie les digressions, les descriptions hyper détaillées, dans un vocabulaire extrêmement juste et précis, jusque dans les termes de métier. On sent la jouissance que fut la sienne à à recourir à ce lexique, souvent tombé en désuétude et auquel elle semble redonner une chance, Allez, un dernier tour de piste avant de tirer le rideau ! « …le mot savates : un mot qui frémit d’être encore convoqué, un mot qui se relève d’une brume ancienne et qui pointe son nez, surpris, interloqué et content. Un peu poussiéreux, la mine fatiguée, pas de la première jeunesse, non, et c’est d’autant plus une fête qu’on ait pensé à lui, que le père l’extirpe du réservoir des vieux mots dont il ne s’occupait plus, qu’il laissait dépérir dans un coin de sa mémoire, inutiles, usés, cabossés, et dont il pensait ne plus se resservir. Savates, ah, quelle douceur pour ce mot de faire encore un peu d’usage, de trouver sa place parmi des mots plus jeunots, plus fringants, plus énergiques. Savate reprend un peu de poil de la bête, et l’expression poil de la bête par la même occasion, un peu courbatue, se réveille en arborant un sourire : c’est comme une deuxième vie, pour savate et poil de la bête, comme deux petits vieux à qui on redonne du service. »
    On pense à Diderot qui, dans Jacques le fataliste, nous indique parfois qu’il aurait pu écrire une autre histoire, faire prendre des chemins différents à ses personnages, mais que non, finalement, il préféré faire comme ça. Si vous êtes de ces lecteurs qui cherchent du palpitant, de l’action à chaque page, vous risquez de rester sur votre faim. Pour les autres, c’est sans doute aussi jouissif que ce dut l’être à l’écrire pour l’auteur ! Tout du long, notre imaginaire est sans cesse stimulé par des rapprochements parfois osés : la plage des touristes et celle où s’embarquent des candidats à l’exil ; ou bien les explosions et les éclairs d’un feu d’artifice et ceux des bombes s’abattant sur une ville en guerre.
    Dans la cave des Montalbetti, voici une bonne année.

    Christine Montalbetti, Ce que c'est qu'une existence, P.O.L.


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  • Rentrée littéraire 2021 #05

    Kazuo Ishiguro, Klara et le soleil

    Prix Nobel de littérature 2017. Forcément, ça impressionne ! Et puis, on se dit que ça peut être bien quand même. Voici donc une dystopie non datée dans un monde qui matériellement ressemble beaucoup au nôtre, du moins à celui d’une ville moyenne aux états-Unis. C’est au niveau social que les divergences sont les plus sensibles puisque l’on devine que les écarts se sont creusés et que l’on est en phase de grand remplacement de certaines fonctions par des robots, y compris des compétences très pointues. Mais cela est juste évoqué à travers les dialogues, sans explications.
    Le personnage principal, Klara, qui est la narratrice, est une AA, une amie artificielle qui va être achetée par la mère d’une adolescente. Le roman débute dans la boutique où se trouve Klara, avec d’autres AA, attendant le client. On va la suivre ensuite tout au long de sa vie « en famille ».
    Klara est très sensible, elle comprend la plupart des situations mieux que les humains, elle apprend, interprète, soutient, encourage… Ça nous parle des relations entre les gens, entre adultes, entre adolescents, entre les deux, entre époux, et entre les AA et tout ce petit monde. Jusqu’à quel point peut-on connaître quelqu’un et découvrir ses pensées les plus enfouies ? Jusqu’où ces robots parfaitement androïdes peuvent-ils se rapprocher, pour les humains, d’un être de remplacement ?

    Kazuo Ishiguro, Klara et le soleil, Gallimard (Du monde entier)


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  • Rentrée littéraire 2021 #04

    Gabriela Trujillo, L'invention de Louvette

    Pourquoi lire celui-là plutôt qu’un autre ? Un premier roman à propos duquel je n’ai rien vu. C’est LA question à chaque rentrée littéraire !
    D’abord la couverture et donc la collection : Verticales chez Gallimard. On trouve au catalogue des auteurs (dont beaucoup d’autrices) affirmant une volonté de travailler un peu plus sur la forme, sur des constructions moins convenues. Par exemple, Olivia Rosenthal, Maylis de Kérangal, Chloé Delaume ou Lydie Salvayre. L’éditeur présente la collection comme « un centre de ralliement des divergences ». Attirant, non ?
    Ensuite, le nom, Gabriela Trujillo. Ça fleure bon l’Amérique latine ! Enfin, pas très bon parce que l’on pense  tout de suite au dictateur dominicain Rafael Leonidas Trujillo auquel Mario Vargas Llosa a consacré le très fort « La Fête au Bouc », également chez Gallimard, en 2000. Mais on ne va pas faire porter le chapeau du Bouc à Gabriela… Donc, l’Amérique latine, un peu mon fonds de commerce, j’y vais.
    L’histoire se passe dans un petit pays d’Amérique centrale qui n’est pas nommé, mais dans lequel on pourrait reconnaître… mais non, si elle ne l’a pas nommé, pourquoi le ferais-je ? Petit pays. Ici aussi, s’il y a des terroristes, en tout cas dénommés tels parle pouvoir en place, ils ne sont pas salafistes, mais guérilléros. Rien à voir. Louvette nous parle d’elle, depuis sa naissance, alors qu’elle grandit à l’époque de la guerre civile dans une famille riche ancrée à droite. Très riche et très à droite. Il y a quelque chose de fragmentaire dans le point de vue de Louvette qui ne voit pas tout ce qui se passe, à qui on ne dit pas tout, qui ne comprend pas tout tout de suite. Mais ça viendra. Et puis, elle ne nous dit pas tout et c’est à nous de compléter les non-dits.
    Il y a bien un côté latino-américain : du magique avec la nounou indienne qui baptise l’enfant selon les rites anciens ; du mal avec le père qui ne doit pas avoir les mains très propres dans le contexte de guerre civile, au point de devoir s’exiler chez l’oncle Sam lorsque la paix est signée.
    Précision : si Gabriela Trujillo est née et a grandi dans ce petit pays, elle vit aujourd’hui en France et écrit en français. Comme quoi on peut écrire un roman totalement latino-américain en français !
    On hésitera un peu sur les premières pages, mais on ne regrettera pas de s’être accroché. C’est une belle langue au service d’un personnage qu’on a envie de serrer dans ses bras.

    Gabriela Trujillo, L'invention de Louvette, Gallimard (Verticales)


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  • Rentrée littéraire 2021 #03

    Morgan Sportès, Les djihadistes aussi ont des peines de cœur,

    Est-ce ainsi que les djihadistes vivent ?
    Voici donc une vingtaine de types, jeunes adultes dans l’ensemble, aux origines diverses : française (« souchiens »), tunisienne, africaine, vietnamienne, antillaise… La religion les réunit, y compris pour les convertis de fraîche date. Les réunit aussi la marginalisation par rapport au « monde qui avance », celui des gagnants de la mondialisation, qui vont aux concerts du Bataclan ou qui passent des soirées aux terrasses des bars parisiens. Cette bande-là – sans que l’on puisse vraiment parler de bande au sens de « bande organisée », tout au plus un tissu de relation orbitant autour d’une ou deux fortes personnalités – agira – si peu et pour quelques uns seulement – quelques années après les attentats de 2015. À leur « actif » on compte un jet de grenade poussive dans une épicerie casher. Terrorisme bas de gamme !
    L’originalité de la démarche de Sportès est le choix de raconter deux ou trois années de la vie de ces hommes et d’y intégrer leurs épouses, conjointes ou autres en entrant autant que possible dans le détail grâce aux déclarations qu’ils et elles ont faites devant les policiers ou les juges. Il reprend le langage de chacun et chacune, reproduisant également les textes de SMS, de mails, de courriers en respectant le vocabulaire et l’orthographe d’origine. L’ensemble prend un relief saisissant. Sans justifications, sans diabolisation.
    La place des parents est importante, montrant le décalage entre la génération venue en France pour diverses raisons, s’étant tant bien que mal intégrée, travaillant et élevant des enfants qu’ils auront du mal à reconnaître, que ce soit dans leur pratique de l’islam, dans leur apparence physique, leur tenue puis dans leurs actes puisque certains iront jusqu’à partir faire le djihad en Syrie.
    Une lecture précieuse si l’on ne veut pas en rester aux poncifs déversés par les médias « main stream ».

    Morgan Sportès, Les djihadistes aussi ont des peines de cœur, Fayard


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