• Clichés marseillais #55

    Clichés marseillais #55

    Quand Stella s’en mêle

    Clichés marseillais #55Stella, il a envie de lui faire du bien, de la chouchouter, d’être gentil, de lui donner du plaisir, d’être dans ses yeux quand elle tourne la tête, qu’elle se demande s’il est bien là pour elle. Je suis là, Stella, je suis là pour toi, je n’ai pas les mots pour te le dire, mais regarde et tu me trouveras. Stella est une artiste qui crée de l’amour à partir de presque rien. Dans son travail, elle fabrique de la beauté et de la joie. Elle rend un peu plus heureuses des vieilles dames qui n’ont presque plus de cheveux, qui s’adressent un sourire dans le miroir du salon avant de repartir plus assurées d’elles-mêmes. Elle écoute celles qui ont besoin de parler, elle entend des horreurs en prêtant une oreille inattentive qui suffit à maintenir un souffle de vie chez des personnes dont elle se demande parfois si elles méritent encore d’encombrer le monde. Stella est une belle personne. En rencontre-t-on souvent de celles dont on pense qu’elles sont de belles personnes ? Avons-nous le geste pour leur dire qu’on les reconnaît comme telles ? Qu’elles sont en nous, qu’elles vivent en nous et font que nous nous sentons meilleurs ?
    Gigi n’a pas les mots, mais il a les actes. Il sait offrir ce qu’il a de plus précieux, son temps, son attention. En revenant de la rue Navarin, il s’arrête au Royaume de la Chantilly et examine chaque produit avec ce qu’il pense être les yeux de Stella. Aimera-t-elle ces légumes grillés à l’huile d’olive, ce jambon corse, cette mozzarella di buffala ? Peut-il goûter chaque chose avec la bouche de Stella ? C’est plus difficile que de savoir s’il lui donne du plaisir quand ils font l’amour. Quand il embrasse, lèche et suce sa part la plus intime, il sent sous ses mains posées sur son ventre la réponse de ses frémissements, les mouvements de son corps qui vibre, se tend et se relève pour mieux s’offrir. Il est à l’écoute d’un changement dans son souffle, dans le grain de sa peau, dans sa pression contre lui, quand tout son être déroule le discours muet du plaisir. Ils s’étonnent d’avoir trouvé si vite le chemin de l’autre, celui qui leur a été ouvert alors qu’ils ignoraient en avoir la clé.
    Ce soir elle est sortie du salon, a rejoint Gigi chez lui. Une douche pour se débarrasser du travail, des cheveux coupés qui s’insinuent partout, des odeurs cosmétiques et des ragots. Un canapé pour s’acagnarder contre Gigi. Un Martini blanc – avec olive verte, s’il vous plaît – et Brigitte Fontaine dans les oreilles.
    – We are not well, there ? parce qu’ils sont polyglottes anglo-marseillais.
    – A little, my nephew !

    Serrés ainsi sur le canapé, bras et jambes mêlés, c’est une belle image, mais bien vite arrivent les fourmillements et les crampes alors on les libère et Stella en profite pour déballer ce qui lui trotte dans la tête.
    – Tu ne regrettes jamais d’avoir arrêté les études ?
    – Oh là ! Qu’est-ce qui te prend d’un coup ? Elle sort d’où, cette question ?
    – Il me prend que je te connais depuis un moment, Gigi, et que j’ai pas attendu qu’on sorte ensemble pour savoir que tu en as dans le teston et que tu ne t’éclates pas dans ton travail à l’usine.
    – Ça va, c’est pas l’enfer !
    – Peut-être, mais je vois bien que tu es en train de découvrir d’autres choses auprès de Ber, de Roger et de ses copains, et que ça t’intéresse. D’ailleurs, au passage, je te signale que moi aussi, ça m’intéresse, même si vous ne m’avez jamais proposé de participer à vos discussions…
    – Pourquoi tu ne l’as pas dit ?
    – C’est une autre question, t’inquiète, on en reparlera. Et puis ça ne me plaît pas quand je vois que les gens du syndicat cherchent l’embrouille. À à Aix, un copain de Pierre, Rémy, racontait comment des brutes du syndicat sont venues chez lui pour le menacer alors que ses enfants étaient là. Pour les mêmes raisons que pour toi, parce qu’il ouvre un peu trop sa gueule et que ça les défrise.
    – Et donc, la conclusion ?
    – Moi, je dis que d’une, c’est dommage de ne pas aller plus loin alors que tu en es parfaitement capable et que de deux, j’ai pas envie qu’il t’arrive quelque chose. J’y tiens, moi, à ta jolie petite gueule ! Je ne veux pas t’embêter avec ça ce soir, je voulais juste te le dire et qu’on en reparle un de ces jours. En attendant, mon verre est vide, tu manques à tous tes devoirs !

    (à suivre)

    À suivre chaque jour sur https://www.facebook.com/jeanpaul.garagnon

    L'intégrale est à retrouver sur ce blog http://brigou.eklablog.com/cliches-marseillais-c31530712

    Photo © Mariana Garcia

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