• Clichés marseillais #45

    Clichés marseillais #45

    Une soirée à Aix

    Le samedi suivant, Gigi et Stella montent à Aix avec Roger.
    – Les copains étudiants font une fête, ça va être super ! leur a-t-il dit.
    Ils s’esquichent dans l’Ami 6 bleue de la mère de Stella, avec deux copines de Roger et en route pour le Grand Nord !
    Pour Gigi et Stella, Aix est la ville bourgeoise, l’ennemie historique de Marseille la populaire. Ils n’y mettent jamais les pieds. Il a fallu toute la force de persuasion de Roger pour les décider. Faut dire que ce n’est pas ce dont il manque le plus !
    La fête se passe dans une petite maison derrière la Faculté des Lettres. Les locataires ne sont plus étudiants depuis un moment, mais ils sont toujours prêts à héberger les soirées des camarades plus jeunes. Gigi et Stella découvrent une nouvelle forme d’amitié. Je ne te connais pas, mais tu es un camarade ? Alors tu peux me demander ce que tu veux et si je peux je te le donne ou je le fais pour toi. Les gens sont assis par terre, la musique est forte, ça boit, ça fume, ça discute, c’est un peu étourdissant pour les deux Marseillais. Gigi est content d’avoir apporté une bouteille de Janot, c’est la seule sur le buffet ! Stella ouvre de grands yeux, elle regarde passer de main en main une drôle de cigarette dont elle se doute qu’elle ne contient pas que du tabac. Elle tire une bouffée et la passe à Roger.
    – Non, merci ! et il la passe à la suite.
    – Tu n’aimes pas, demande Stella ?
    – Je ne me pose pas la question. En fait, dans l’organisation, on n’a pas le droit de fumer ça, dit Roger.
    – Ah bon ? Mais pourquoi ? demande Stella.
    – C’est illégal. On n’a pas envie d’avoir des ennuis avec la police pour ça. C’est déjà arrivé qu’ils fassent chanter des militants : Soit tu nous refiles quelques tuyaux sur vos activités, soit on te fait plonger un max ! Alors on évite.
    Gigi a écouté la conversation et hésite. Est-ce qu’ils sont coincés ou rigoureux ? Pour l’instant, il se dit que c’est peut-être une preuve de sérieux.
    Roger a rapidement fait signe à un camarade et le fait asseoir près d’eux.
    – Pierre, tu as vu Gigi à Bruxelles, et voilà Stella, sa copine.
    – Je me souviens. Tu as fait plaisir à Vlad en écoutant ses histoires. On les connaît tellement qu’il est tout content de trouver un nouveau public. Et toi, raconte, qu’est-ce que tu fais de beau à Marseille ? demande-t-il en relevant la mèche brune qui lui tombe sur les yeux.
    Stella raconte le salon, le quartier, Gigi raconte l’usine. Pierre écoute puis se lève pour se joindre à un autre groupe, Roger raconte à son tour comment Pierre s’est engagé dans la politique.
    – À ma connaissance, c’est celui qui a adhéré le plus jeune. Je crois qu’il avait douze ou treize ans quand il a adhéré aux JC puis très vite à la JCR. C’était à Nice, plusieurs années avant 68, ils n’étaient pas nombreux. C’est la solidarité avec le Vietnam qui l’a fait bouger. Ce type a tout pour lui : il connaît une masse de choses, il réfléchit à mille à l’heure, il écoute les autres, c’est un bon organisateur et un super orateur. En plus, ce qui ne gâche rien, il est hyper sympa, partant pour toutes les déconnades, et il a une belle gueule. Stella approuve.
    Au bout d’un moment, Gigi et Stella commencent à trouver le temps long, d’autant que l’atmosphère est de plus en plus enfumée et les bouteilles de plus en plus vides. La semaine de travail se fait sentir. C’est au moment où ils décident Roger à partir que Pierre surfit pour leur dire que non, pas question de rentrer, vous venez avec nous, on va voir des copines à la Cité U. Ils auront une première leçon de sa force de conviction : impossible de dire non à Pierre ! Roger laisse les deux copines montées de Marseille avec eux, elles ont fait affaire et passeront la nuit à Aix. Et les voilà repartis dans l’Ami 6, derrière une 4L qui emporte le reste du groupe. Pierre remue dans tous les sens comme s’il voulait faire basculer la voiture et crie dans le dos de Stella :
    – Vas-y, accélère, on va les doubler !
    À la Cité universitaire, ils réveillent les copines qui résident là. Il y a Henriette, Annie, tout le monde s’entasse dans une chambre puis dans l’autre, ça court dans les couloirs, ça crie. Quelqu’un met un disque. Stella et Gigi se marrent :
    – « Comme à la radio », c’est notre chanson fétiche !
    – C’est dingue ! hurle Pierre. Ils me plaisent, tiens, ces deux-là.

    (à suivre)

    À suivre chaque jour sur https://www.facebook.com/jeanpaul.garagnon

    L'intégrale est à retrouver sur ce blog http://brigou.eklablog.com/cliches-marseillais-c31530712

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