• Clichés marseillais #28

    Clichés marseillais #28

    Le Resquiadou

    Clichés marseillais #28Après la douche, Gigi s’écroule dans le canapé, la serviette de bain autour du ventre. La nuit en garde à vue se fait durement ressentir. Il se sent comme un chat sortant d’une machine à laver, ou un patron jeté dans une bétonnière par des maçons en colère. Il faut dire qu’il s’est fait une belle estoumagade la veille avec les flics ! Pas même le temps de décapsuler la bière prise au frigo en passant qu’il sombre complètement.

    Gigi est invité chez les parents de Stella, va falloir assurer ! Il passe la journée dans les préparatifs de la soirée. Si les menus ont été arrêtés quelques jours auparavant, il a fallu se procurer tout le nécessaire le matin même. Il a proposé de s’occuper des entrées. Il sait que le père est un gros gourmand et il comptait bien l’impressionner. Toute la famille sera là, il ne faut pas décevoir.
    Un collègue de l’usine est parti à la chasse sous-marine la veille, il lui a rapporté des petits violets et des cigales de mer, super rares ! Il prépare une belle sauce tomate tirant vers l’armoricaine. Il ouvre un bocal de limaçons à l’aigue sau de l’été dernier. Il ouvre deux violets, histoire de vérifier la qualité et puis le violet, Gigi en mangerait sur la tête d’un CRS ! Enfin, presque… La tunique est tendre sous la lame, la chair d’un beau jaune soufré sur les bords, orangée au centre, dans un écrin nacré. L’iode claque au nez qu’on se croirait à boire un Lagavulin 16 ans sur les roches de Sausset ! C’est bon, il faudra les ouvrir au dernier moment.

    Tout d’un coup, sans trop savoir comment, Gigi se retrouve au Resquiadou, au cabanon de la famille Fabiani. Ses entrées font sensation. Il sent qu’il est en train de marquer des points. Le vieux est d’autant plus content qu’il a des invités surprise : un groupe de vagues connaissances, arrivé par bateau en début de soirée, s’est joint à la fête. Des étrangers qui ont, d’après ce que Gigi a pu entendre, des projets d’investissement dans la région. Le père Fabiani est tout content, voilà qui pourrait bien apporter du travail à sa boîte de BTP. Ils ont en tout cas l’air d’apprécier la chère, et plus encore les boissons. L’ambiance monte, on chante, quelques-uns se mettent à danser.
    De son côté, Gigi a revu à la baisse son enthousiasme. Il n’a pas manqué de remarquer le manège du fils des visiteurs auprès de Stella : sourires, questions, compliments, frôlements, propos à voix basse, tout y est ! Quand il en parle à Stella, elle lui dit qu’il se fait des idées, qu’elle fait seulement bonne figure aux invités de son père. Mais le manège continue de plus belle.
    Jusqu’au moment où Stella revient avec le Champagne et porte cérémonieusement une coupe au jeune type. C’est là que Gigi entend le père du jeune lui lancer d’une voix avinée : « Oh, Protis, on dirait que tu as une touche ! »
    Un cri déchire la tête de Gigi, se transforme en sonnerie insistante. Il se réveille à poil dans le canapé, Stella est à la porte avec deux cartons de pizza sur les bras :
    – Oh pardon, c’était ouvert !

    (à suivre)

    À suivre chaque jour sur https://www.facebook.com/jeanpaul.garagnon

    L'intégrale est à retrouver sur ce blog http://brigou.eklablog.com/cliches-marseillais-c31530712

    « Clichés marseillais #27Clichés marseillais #29 »

  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :